Le 30 avril 2019, la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) a reconnu la compatibilité du système de Règlement des Différends entre Investisseurs et Etats (RDIE) avec le droit européen. Une décision considérée comme une victoire de la Commission européenne, artisan majeur du CETA, et qui ouvre la voie à l’application définitive de cet accord, pourtant très controversé.
Entré en négociation en 2009, l’Accord économique et commercial global, plus connu sous l’appellation anglophone de Comprehensive Economic and Trade Agreement (CETA), est un traité de libre-échange élaboré entre le Canada et l’Union Européenne (UE). Premier accord bilatéral du genre signé par l’Union Européenne, celui-ci devra permettre de réduire considérablement les droits de douanes appliqués aux biens et services échangés outre-Atlantique sous 7 ans après l’entrée en vigueur de l’accord et de rapprocher les normes canadiennes et européennes, notamment en matières d’industries automobile et pharmaceutique.
Depuis sa signature par l’UE en octobre 2016 et son entrée en vigueur provisoire en septembre 2017, le CETA est sujet à de vives critiques de la part des organisations non-gouvernementales (ONG) et de la société civile. Mais il ne fait pas non plus l’unanimité parmi les Etats membres de l’UE. Le CETA soulève de nombreuses inquiétudes quant à son potentiel impact sur l’agriculture locale. Agriculteurs et ONG estiment que les garanties de protection prévues par l’accord ne sont pas suffisantes au regard notamment du principe de précaution, moins contraignant au Canada qu’en Europe. De plus, le processus de négociation en lui-même a suscité des interrogations du fait de son opacité et de la faible représentation des partenaires sociaux à la table de négociation. Mais c’est la création d’un tribunal spécifique, indépendant des juridictions nationales, qui permet à une multinationale de porter plainte contre un Etat en cas de désaccord avec une politique publique, qui provoque le plus d’hostilité.
Dès 2016, les trois gouvernements régionaux belges (Wallonie, Flandres et Bruxelles-Capitale) se sont opposés à la signature de l’accord par l’UE. Leur blocage a pris fin à la suite de négociations avec l’UE et le gouvernement fédéral belge qui ont donné lieu à la saisine de la CJUE sur la question du système de Règlement des Différends entre Investisseurs et Etats (RDIE). La création d’un tribunal indépendant inquiète particulièrement le président du gouvernement wallon, Paul Magnette, et les organisations de la société civile, qui redoutent un affaiblissement du pouvoir régulateur des Etat membres au profit des grandes entreprises et dénoncent une nouvelle menace sur les démocraties européennes. Nombreux craignent que ce mécanisme d’arbitrage donne un poids considérable aux multinationales dans les politiques publiques mises en place par les Etats en matières sociale, de santé et de protection de l’environnement.
D’après la décision rendue le 30 avril dernier par le CJUE, le RDIE ne remettrait pas en cause la juridiction exclusive de la Cour dans l’interprétation du droit européen et serait donc valide sur le plan légal. Selon les juges, l’accord prévoirait des garanties suffisantes pour assurer l’indépendance des quinze juges qui seront désignés par le Canada et l’UE pour arbitrer ce nouveau tribunal.
En application provisoire depuis septembre 2017, le CETA n’est encore que partiellement entré en vigueur. Si la décision de la CJUE ouvre la voie à la mise en œuvre du système de règlement des litiges prévu par le CETA, il faudra encore attendre la ratification définitive de l’accord par les parlements nationaux des Etats membres de l’UE pour une application complète et définitive du traité de libre-échange.
Loin de se satisfaire de la décision de la CJUE, ONG et citoyens européens continuent leur combat contre cet accord. Une pétition lancée en janvier 2019 et soutenue par 150 organisations européennes a déjà recueillie plus de 500 000 signatures pour mettre fin au système d’arbitrage investisseur-état.