20ème édition de la Rencontre Européenne des Personnes en situation de précarité (PeP)

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Organisées par le European Anti-poverty Network (EAPN), les Rencontres européennes des personnes en situation de précarité (PeP) contribuent au droit des personnes en situation de pauvreté à participer et à accéder à l’information relative aux processus décisionnels qui affectent leur vie et leur bien-être.

La 20ème édition de la Rencontre PeP 2022 s’est déroulée les 29 et 30 novembre 2022 à Bruxelles, en Belgique, sous le titre “Le coût insupportable de la vie” et a rassemblé plus de 175 participants, dont des délégations nationales de PeP de 30 pays, des décideurs politiques et des représentants d’organisations non gouvernementales européennes œuvrant pour l’élimination de la pauvreté.

A travers l’organisation de sessions plénières et d’ateliers de travail interactifs, les membres d’EAPN se sont exprimés sur leurs priorités politiques dans trois domaines clés.

1. Le coût de l’énergie

Il a été souligné que l’accès à l’énergie conditionne l’accès à d’autres droits.

Sans électricité abordable, l’accès à la nourriture et à la santé est compromis. Malgré l’interconnexion de ces problèmes, de nombreux participants ont affirmé que les ministères ne parvenaient pas à coopérer et à trouver des solutions globales. De plus, les aides mises en place par leur gouvernement pour lutter contre la crise sont considérées comme “insuffisantes” et “non accessibles” à tous ceux qui en ont besoin. En raison de “l’insuffisance de soutien de l’Etat”, les PeP ont été contraintes de déployer des “stratégies personnelles” pour faire face à la crise. Le recours à ce type de stratégie reflète un “échec systémique”.

Les participants ont estimé que l’énergie, en tant que droit de l’homme, ne devait pas être traitée comme une marchandise et que nous devions “nous éloigner du marché de l’énergie axé sur le profit pour nous tourner vers un système public centré sur les personnes”. Comme l’a dit un participant, “nous devons resocialiser le marché de l’énergie”. 

Il a été remarqué que certaines aides universelles n’atteignaient pas les plus vulnérables et ne servaient donc qu’à accroître les inégalités. L’aide ne doit pas être uniquement financière, mais aussi comprendre des informations accessibles et un soutien psychosocial, le cas échéant.

La nécessité de mettre en place des systèmes énergétiques durables a été discutée dans tous les ateliers. De l’avis général, la résolution de la crise énergétique doit s’accompagner d’une transition à long terme vers les énergies vertes. Toutefois, il a été noté que certaines politiques menées au nom de la durabilité peuvent avoir un impact négatif sur les PeP et accentuer les inégalités. Les rénovations et les améliorations visant à promouvoir l’efficacité énergétique devraient cibler les personnes en situation de pauvreté, en donnant la priorité aux logements sociaux et aux logements locatifs à bas prix. 

2. Le coût de l’alimentation

La pauvreté alimentaire est due à la hausse des prix combinée à l’insuffisance des revenus.

Pour beaucoup, l’augmentation du coût des denrées alimentaires a de graves répercussions sur leur santé physique et mentale. Les personnes ayant des restrictions alimentaires doivent faire face à des coûts supplémentaires et sont donc confrontées à des obstacles encore plus importants pour accéder à une alimentation saine. Outre les problèmes causés directement par un manque de nutrition, le stress et la stigmatisation liés à la pauvreté alimentaire, cela a des répercussions négatives sur la santé mentale des personnes. Toutefois, il est essentiel que les bons alimentaires soient indexés et suivent l’inflation, faute de quoi ils risquent de devenir inutilisables. Ainsi, certains participants ont estimé que l’augmentation directe des salaires et des avantages sociaux était le moyen le plus efficace de garantir l’accès à la nourriture. 

Une intervention directe de l’Etat est nécessaire pour lutter contre la pauvreté alimentaire. Les PeP ont estimé qu’il fallait plus de transparence dans la fixation des prix et que cette question doit être examinée au niveau européen. Il est plus que nécessaire de plafonner les prix des denrées alimentaires de base afin d’éviter qu’elles ne deviennent inaccessibles. En plus de s’attaquer à la crise actuelle du coût de la vie, il est important d’évoluer vers des systèmes de production et de distribution alimentaires plus sûrs et plus équitables. La promotion d’une agriculture alternative et la localisation de l’approvisionnement alimentaire réduirait la vulnérabilité des personnes en situation de pauvreté. 

3. Le coût du logement

Le manque de logements abordables dans toute l’Europe a de graves répercussions sur les personnes en situation de pauvreté. Le logement est une condition préalable à l’accès à d’autres droits. 

Les PeP ont exprimé leur inquiétude quant à la qualité des logements publics et privés. Le parc de logements abordables étant limité, les personnes sont souvent contraintes d’accepter des conditions de vie indignes qui ont une répercussion sur la santé mentale des personnes. De plus, les personnes qui ne sont pas en mesure de faire face aux augmentations des coûts du logement peuvent vivre avec une menace persistante d’expulsion et de sans-abrisme. L’État doit également intervenir sur le marché pour garantir l’accès à un logement décent et de qualité. Les gouvernements doivent mettre en place des normes minimales pour les logements privés et sociaux et prendre des mesures pour s’assurer qu’elles sont respectées.

Dans les ateliers, les PeP ont estimé que le logement devait être traité comme un droit humain et non comme une marchandise. Par conséquent, en plus de remplacer le secteur privé, les Etats doivent se réapproprier le pouvoir public sur le logement. Cela passe avant tout par une augmentation de l’offre et de la qualité des logements sociaux. Les participants ont souligné que chacun devrait se voir garantir un logement décent, quels que soient ses revenus ou sa situation professionnelle. De plus, l’accès au logement social ne doit pas s’accompagner de politiques sociales punitives qui maintiennent les gens dans le cycle de la pauvreté.

Les PeP ont également souligné la nécessité d’une directive européenne sur le droit au logement qui soit transposée dans les législations nationales. Si les Etats doivent assumer la responsabilité de garantir l’accès au logement pour tous, les citoyens et la société civile doivent être inclus de manière significative dans ce processus. En particulier, l’expertise des personnes en situation de pauvreté doit être valorisée et intégrée dans les politiques de logement.

INTERVENTIONS DES DECIDEURS POLITIQUES

  • Olivier de Schutter, rapporteur spécial des Nations Unies sur l’extrême pauvreté et les droits de l’homme. 

Olivier de Schutter a tenu à souligner l’importance de la participation des PeP à la prise des décisions essentielles. Il a souligné trois avantages des pratiques participatives: 

  1. Elles permettent d’améliorer les politiques grâce au savoir des PeP. Il a déclaré que les décideurs n’ont pas tenu compte de ces voix dans leur réponse à la crise énergétique et que, par conséquent, les politiques ont des “angles morts importants”. Il a donné l’exemple des plans nationaux de relance et de résilience qui prévoient des aides à la rénovation des logements, mais ces dispositifs ne sont pas accessibles aux personnes à faibles revenus. 
  2. La participation des personnes en situation de pauvreté peut mettre en lumière les “dimensions cachées de la pauvreté”. Par exemple, la discrimination fait partie de la vie quotidienne des PeP mais cette question est rarement prise en compte dans l’élaboration des politiques. 
  3. Il a reconnu que les PeP sont marginalisées dans la prise de décision politique et a soutenu une approche participative “pour contribuer à rééquilibrer ce pouvoir”.

  • Isabelle Schömann, secrétaire confédérale de la Confédération européenne des syndicats (CES)

Elle a souligné les changements législatifs positifs qui contribuent à protéger les personnes vulnérables, notamment la directive européenne sur le salaire minimum. La CES soutiendra les syndicats au niveau national pour fixer un salaire minimum adapté aux besoins des travailleurs tout en promouvant la négociation collective. Bien que les États membres disposent de deux ans pour transposer la directive, elle a fait valoir qu’ils devraient prendre l’éradication de la pauvreté au sérieux et agir dès maintenant. Elle a également évoqué la crise énergétique, soulignant qu’elle creuse les inégalités et fait peser un fardeau disproportionné sur les PeP. Enfin, elle a mis l’accent sur les défis posés par la pauvreté des travailleurs et les emplois précaires. 

  • Gabriele Bischoff, membre du Parlement européen dans le groupe S&D

Elle a expliqué qu’au Comité économique et social européen, elle travaillait sur le salaire minimum. Elle souligne qu’elle milite pour une directive sur le revenu minimum ainsi que sur le salaire minimum. La pauvreté est une défaillance du système et non des individus, a-t-elle déclaré. Bien que des objectifs de lutte contre la pauvreté aient été mis en place, ils ont largement échoué.

Elle a déclaré que les arguments en faveur de la non-intervention sur le marché sont tout simplement faux. Dans le même ordre d’idées, elle a parlé de la campagne du S&D pour “faire baisser les factures”, qui vise à réduire les prix de l’énergie pour les entreprises et les ménages et à garantir l’accès de tous à une énergie abordable. Des mesures doivent être prises pour garantir que chacun dispose d’un revenu supérieur au seuil de pauvreté. 

  • Maija Celmina, membre du cabinet du vice-président de la Commission européenne, Nicolas Schmit.

Elle a affirmé que la Commission s’oriente vers une économie sociale de marché, notant que la directive sur le salaire minimum et la recommandation du Conseil sur le revenu minimum constituent des étapes importantes. Elle a également partagé l’espoir que le G7 parvienne à plafonner les prix de l’énergie. Elle a ensuite évoqué l’importance des plans nationaux de relance et de résilience et a souligné que les PeP devraient être consultées lors de leur élaboration. Lorsque des solutions efficaces ne sont pas trouvées, les gens perdent confiance dans la Commission européenne et dans la politique en général.